Toute première fois, tou-toute première fois ...

Bon, il est l'heure de briser votre impatience, le message tant attendu est arrivé !

Alors, la journée d'hier a commencé par le tour du quartier avec 2 djembés et un griot, suivi par Annabelle, Anne et moi-même en échasses et Emilie au sol armée de l'appareil photo. Très vite après qu'on ait démarré, une nuée de gamins nous a emboité le pas, et nous nous sommes retrouvé au bout d'un quart d'heure avec une vingtaine d'enfants selon la police, 2000 selon les organisateurs, tout autour de nous. Avec le petit retard de nos amis griots, nous avons débuté ce tour à midi tapante, sous un soleil de plomb, et au bout d'une heure, nous étions tous sur les rotules, assoiffés et en eau ! Mais pas le temps de se reposer, on s'avale un plat de Soupoukandia (le deuxieme plat national après le ceb bu dien, lire tiéboudiène, du riz au poisson) et en route pour le chargement de Joly. On rejoint le lieu de notre représentation à 15h15, et on commence à installer les décors. Pendant ce temps, les enfants commence à arriver sur le terrain, ils nous tournent autour, essayent de toucher à tout ce qu'ils peuvent ... on les chasse mais ils reviennent 3 secondes plus tard ! Tant pis, on tente de faire avec ! Les décors montés, on s'aperçoit qu'ils sont assez fragiles, mais les enfants continuent de jouer avec, de les tripoter ... il faut tout de même savoir que nos 4 toiles sont accrochées à une planche de bois d'une trentaine de kilos posée à 3 m du sol, s'ils avaient réussi à la faire tomber, on en aurait perdu quelques uns ! Le temps passe, il est maintenant 17 h, on a tenté de faire un cercle de chaise pour limiter la scène, mais elles ont été prises d'assault par les gamins et sont éparpillées un peu partout sur le terrain. Pour essayer de canaliser un peu l'attention de toute cette marmaille, j'empoigne mon diabolo, me mets un peu à l'écart et commence à jouer. Rapidement, tous se regroupent en cercle autour de moi, ils se calment un peu, et à chaque lancer, ils crient, et plus le diabolo monte haut, plus les cris sont intenses, mais au bout de quelques minutes, le cercle autour de moi s'amenuisent jusqu'à se changer en une marée de gosses sur excités. Annabelle lance alors de son côté un concours de danse et récupère une partie des enfants. Finalement, à 17 h 30, Leyti, le responsable de l'organisation de Kaddu Yaraax, nous conseille de démarrer le spectacle... même si notre public se résume à 200 gamins qui ne parlent quasiment pas un mot de français. Alors on se lance, sans grand trac, avec un objectif : parler plus fort que nos spectateurs qui s'en donnent à coeur joie...

Anne, Masseye et moi entrons en scène pour présenter le spectacle, on capte légèrement l'attention de quelques enfants, puis c'est Emilie qui se lance : notre Joker-conteuse-vendeuse ambulante commence à raconter l'histoire d'Adis, un jeune garçon de 13 ans vivant dans le village de NDiasse, près de Thiès. Adis vient de perdre ses parents, tous les 2 morts du Sida. Il est perdu mais rencontre Faja, l'esprit de sa mère, une fée magnifique qui lui promet de l'accompagner pendant ses prochaines aventures. Adis est alors appelé chez le chef du village, celui-ci veut le chasser. Et nous arrivons à notre première scène de théâtre forum, où l'on met en évidence la stigmatisation et les fausses croyances à l'égard des personnes vivants avec le VIH... les enfants n'ont pas l'air de comprendre ce qui se passe, Emilie propose de venir remplacer Adis pour qu'il se défende face au chef... pas de réaction, et toujours aucun adulte dans le public. Alors on enchaîne, Adis est chassé du village, mais le chef lui pose une condition : "tu pourras revenir si tu trouves comment se protéger de cette terrible maladie !". Le garçon se met en route, accompagné de sa fée, il va de village en village pour trouver des réponses à sa question, mais personne ne lui répond. Et toute les nuits, le petit bonhomme s'endort et refait le même cauchemar. Voilà notre première scène de saltimbanques ! Adis recontre une femme étrange qui porte une torche enflammée, elle le séduit en soufflant des flammes dans sa direction, il tombe sous son charme et ils crachent une grande flamme ensemble, puis la femme s'évapore et Adis se réveille. Ils se remettent en route vers le village de Bourianga où ils rencontrent Fatou, séropositive, qui propose l'hospitalité à Adis ... et plus si affinités ! Nous en sommes donc à notre deuxième scène de théâtre forum sur les modes de non contamination et le port du préservatif. Mais comme vous pouvez l'imaginer ... nous n'avons pas plus de succès sur les remplacements, Emilie s'égosille mais personne ne la comprend. Alors on avance. Adis et Faja se dirigent vers la forêt des dgeens, une forêt infestée de créatures très dangereuses, mais malgré les recommandations de Faja, Adis n'en fait qu'à sa tête et tous deux pénetrent dans la forêt. Là ils rencontrent un premier monstre qu'Adis met en fuite. Mais ils sont rapidement surpris par 2 autres monstres aux bolas acérées qui engagent le combat. Adis se défend avec son diabolo mais il est blessé par une des créatures et s'éloigne. Faja s'arme de courage et règle leur compte aux 2 bêtes l'une après l'autre. La scène de jonglage fait son effet, les bolas volent partout, les costumes des monstres les mettent bien en valeur, on a capté notre public. Revenons à notre histoire. Faja retrouve Adis et ils tombent sur un homme blessé au ventre. Adis l'aide à rentrer dans son village en prenant garde de la contamination par le sang, mais à ce stade du spectacle, le bruit grondant émanant du cerle spectateur est trop grand. A deux sur scène, on ne s'entend plus l'un l'autre. Les enfants s'agitent, certains se lèvent, traversent la scène ... Alors on abrège la scène, et la scène suivante. Adis racompagne Samba, l'homme blessé jusqu'à son village de Salango, puis il fait la connaissance d'Aminata. La fille lui plait mais elle est mariée et elle et son mari ont décidé de rester fidèle pour se protéger du Sida. Le garçon, devenu maintenant un homme, et son ange gardien s'éloignent, et c'est là que notre héros comprend qu'il est arrivé au bout de sa mission, qu'il a répondu à la question du chef ! Il ne lui reste plus qu'à rentrer à NDiasse pour annoncer la bonne nouvelle à tout le village, et c'est ce moment que Faja choisit pour laisser Adis seul et disparaître. Adis rentre au village, et explique à tous qu'il y a seulement 3 modes de contamination et qu'il existe des moyens de se protèger de la transmission sanguine et de la transmission sexuelle. Finalement, le chef est ravi et offre 3 jours de fête à tout le village ! Bon, ça c'est notre fin officielle. Hier, le message final a été légèrement élagué... car jugé légèrement inadapté à notre public légèrement trop jeune.

On souffle, c'est fini, la première est passée, et plusieurs choses se mélangent dans nos têtes. Des choses positives d'abord, tout le spectacle s'est déroulé comme prévu, les scènes de jonglage ont vraiment bien fonctionné et on fait l'effet attendu, les décors rendent bien, pas de trou de texte ou autres petits problèmes de jeu : notre semaine acharnée de travail s'est donc révélée payante ! Mais aussi des choses plus négatives : où sont les adultes que nous attendions, le public à qui nous destinions notre sensibilisation au VIH ? dommage que personne n'ait voulu remplacer les personnages au moment des scènes de théâtre forum, dommage que personne n'ait vraiment compris notre histoire et n'ait essayé d'écouter jusqu'au bout ... Finalement, hier, nous n'étions pas là pour sensibiliser au Sida avec un spectacle innovant mélant forum et théâtre de rue, mais bien pour divertir les quelques centaines de gamins des rues environant la place de notre représentation ... Pourquoi pas, c'est un objectif comme un autre ... Par la suite on nous expliquera que l'organisation d'un évènement pareil nécessitait la location d'une sono et d'une centaine de chaises. Nous avions décliné la proposition quelques jours auparavent sans imaginer les conséquences que celà aurait sur le spectacle.

A la fin du spectacle, les enfants deviennent fous. Ils se mettent à courir partout sur la place, commencent à se jeter des pierres, ils montent sur les décors, on les chasse mais ca ne marche pas, alors Leyti entre en scène et armé d'un baton, fait de l'ordre dans ce capharnaum humain ! De son coté, Annabelle est assaillie, les enfants lui tirent les bras puis commencent à lui grimper dessus et la font chavirer ! Elle hurle (sic) "Je me noie !!" et pof ! elle disparait sous la marée noire. Babacar vole à son secours et avec une tongue, dégage la nuée de gosse qui l'étouffait. On balance tout dans la camionnette sans chercher à ranger et on démarre en essayant d'écraser personne mais les enfants sont tout autour, ils s'accrochent à tout ce qu'ils trouvent, frappent aux portes ! Emilie accélère et on parvient à se libérer... waou... drôle d'expérience. On rentre à Kaddu, il est 19h et nous sommes lessivés !! On partage un grand Yassa avec tout le monde, les gens partent peu à peu, on boit 2 attayas et puis on va se coucher.

Voilà pour la journée d'hier et le récit de notre spectacle de "théatre de rue-forum" nommé Les aventures d'Adis, spectacle de que nous avons créé pour sensibiliser les populations au VIH/Sida à travers une démarche nouvelle, mais qui n'est pas vraiment appliquable partout apparement.

Alors, aujourd'hui c'est repos. Les uns près de Sali, les autres à Yaraax. Ce spectacle n'aura pas été négatif, il nous aura montré ce que c'est que de faire un spectacle de rue dans un quartier populaire du Sénégal. Alors on prend 2 jours pour souffler et on en tirera les conséquences pour faire mieux la prochaine fois.

Le programme à venir ? Départ pour Louga dimanche matin, puis on entame une semaine dans un petit village avec initiation, découverte de la vie locale et en fin de semaine, représentation devant le village, puis encore 2 jours pour répondre aux questions des villageois sur le Sida. Ca, c'est sur le papier, maintenant, on vera bien comment ca se passera !

Sur ce, si vous lisez cette ligne, félicitation, vous êtes arrivés au bout de l'article. De mon côté, je vous laisse, car la mer m'appelle et je n'aime pas la faire attendre !

La suite au prochain épisode.

Bisous appaisés. Romain.